Dans un contexte de mondialisation, on ne peut pas se permettre de sacrifier la qualité. C’est ce que l’ancien ministre de l’éducation dit constater actuellement. D’ailleurs, il a des craintes concernant la gestion du secteur de l’éducation à Maurice. Il revient également sur les grosses pluies de lundi où « les autorités ont failli à leur devoir ».
Une alerte aux pluies torrentielles a été émise lundi. On se souvient du tollé soulevé avec le décès de la jeune Laura Paul où vous étiez blâmé. Quel constat faites-vous concernant la réaction des autorités cette fois-ci ?
J’ai une pensée spéciale pour Laura Paul et sa famille. C’était une tragédie. Elle avait quitté l’école et elle était presque arrivée chez elle. C’est sur le pont de Mon-Goût qu’elle a perdu la vie et ce pont ne tombe pas directement sous la responsabilité du ministère de l’Éducation.
D’ailleurs, il n’y avait pas d’alerte aux pluies torrentielles ce jour-là. Le juge Domah a produit un rapport et n’a pas blâmé le ministre Gokhool. Pour revenir à la journée de lundi, je constate que les autorités n’ont pas tiré les leçons des précédentes inondations et, surtout, des recommandations très pertinentes du juge Domah. Les autorités ont failli dans leur devoir.
Pourquoi dites-vous que les autorités ont failli ?
Il faut rappeler que dans le rapport du juge Domah, il y a des recommandations spécifiques pour le nettoyage des rivières, des drains et des canaux, et il y a également des recommandations pour revoir les dispositifs pour le réaménagement du territoire (urban planning). On ne peut pas faire de développements tout en mettant en péril la vie des citoyens. De plus, qu’est-ce que le « disaster committee » a fait en amont ?
Il y a eu, lundi, le cas de six enfants qui auraient pu y laisser la vie à Mapou quand leur van a été pris par les eaux…
Cela aurait été une véritable tragédie. Il y aurait eu des pertes de vie, mais heureusement qu’on n’en est pas arrivé là. On a déjà connu une expérience malheureuse avec le cas de Laura Paul. Prenant cela en exemple, il y a des mesures qui auraient dû être prises, mais qui ne l’ont pas été.
Quel regard jetez-vous sur l’affaire MedPoint qui continue à être au centre d’une polémique ?
Pour ce qui est des allégations entourant l’affaire MedPoint, les déclarations sont graves et sérieuses. Tout le monde en parle et tout le monde attend des explications. Surtout les jeunes sur les réseaux sociaux qui exigent que les coupables soient sanctionnés de façon exemplaire. Un projet gouvernemental, normalement, suit des étapes bien établies et bien contrôlées.
Dans un tel cas, il n’est pas difficile d’établir les responsabilités et d’informer le public et, s’il y a eu des écarts au niveau des responsabilités, de demander aux autorités compétentes de faire la lumière sur les zones d’ombre. Le silence et le retard, malheureusement, tendent à confirmer une perception en une réalité. Effectivement, ce sera très difficile de convaincre l’opinion publique qu’il n’y a pas eu maldonne. Le gouvernement est devant le tribunal de l’opinion publique.
Que pensez-vous du fait que de nombreux élus rouges se dissocient du Mouvement Socialiste Militant (MSM) sur ce dossier et se permettent même de dire tout haut le fond de leur pensée ?
On peut qualifier cela comme des actes d’indiscipline au sein du Parti travailliste. Comme c’est un sujet d’intérêt national, je pense qu’on devrait prendre ces voix comme une opportunité pour rétablir les faits. Autant que je sache, la divergence d’opinions n’est pas un délit dans une démocratie.
L’actualité ces temps-ci a été le cafouillage entourant les admissions en Lower VI. Un aspect qui suscite un débat concerne le nombre de « credits » nécessaires pour être admis en Lower VI. Est-ce que vous attribuez cette confusion à l’introduction de nouveaux critères ?
J’ai déjà dit que tout cela n’est qu’un pas en arrière. Il n’y a pas que le cafouillage concernant les critères d’admission. Il y a également les effets d’annonce du ministre Bunwaree concernant un ordinateur portable pour chaque étudiant de la Lower VI à partir de 2011, la climatisation de toutes les salles de classe, la mise en place et l’extension du « Enhancement Programme » sans planification et sans formation, la précipitation pour introduire le kréol comme langue optionnelle, la non-fermeture des collèges privés « sub-standard » et le manque de communication avec les partenaires. Tout cela démontre qu’il n’y a pas de ligne directrice pour l’éducation. Le résultat, c’est le cafouillage et la confusion totale.
Certains pédagogues estiment que les nouveaux critères n’ont aucune valeur pédagogique…
Je ne vais pas polémiquer mais, simplement, je dirai qu’il y a des recherches qui prouvent qu’il y a une corrélation entre les qualifications à l’entrée et les résultats subséquents. Je note, comme pédagogue, qu’il y a une baisse dans la qualité des performances au niveau tertiaire.
Il y a également le problème de combinaisons de matières pour se faire admettre en Lower VI. C’est maintenant qu’un comité technique a été mis sur pied, mais comment les choses se déroulaient-elles quand vous étiez à l’IVTB House ?
Tout découle d’une bonne planification, et je dois dire que je n’avais pas ce problème à gérer. D’autre part, il ne faut pas permettre ce qu’on ne peut pas offrir. Par exemple, si on veut offrir une matière, il faut qu’il y ait des personnes compétentes pour enseigner.
Quelle évaluation faites-vous de la performance de votre successeur au ministère de l’Éducation ?
Il n’y a pas de grandes choses d’accomplies et sur lesquelles, je pourrais me prononcer. Donc, ce serait prématuré de parler de performance à ce stade. Avant les élections de 2010, c’était la continuité de la politique de l’Alliance sociale, et aujourd’hui, le ministre Bunwaree essaie de se démarquer de la position qu’il avait soutenue entre 2005 et 2010. Mais, j’ai certainement beaucoup d’inquiétudes concernant la gestion du secteur de l’éducation.
Pourquoi ces craintes ?
D’abord, la politique éducative de 2005 à 2010 allait au-delà de l’accès et mettait beaucoup d’accent sur la qualité de l’éducation comme préconisé par l’Unesco à partir de 2005. Aujourd’hui, on sacrifie la qualité. C’est ma grande inquiétude. Dans un contexte de mondialisation, je ne pense pas qu’on puisse sacrifier la qualité dans l’éducation.
Le Mouvement Militant Mauricien (MMM) a soutenu, à plusieurs reprises, que le ministre Bunwaree reprend les grands axes de la réforme Obeegadoo. Partagez-vous ce sentiment ?
Disons qu’au départ, le MMM avait une position très favorable vis-à-vis du ministre Bunwaree. Que voulez-vous ? Le MMM, qui avait brûlé Gokhool, n’avait d’autre choix que d’adorer Bunwaree, inspiré certainement par les conseils d’un de leurs porte-parole en éducation, notamment Suren Bissoondoyal. Aujourd’hui, le MMM constate le manque de vision et de planification, et commence à se démarquer en adoptant une position critique vis-à-vis du ministre Bunwaree.
Source: DéfiMédia
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