Depuis plus de 20 ans, les ministres de l’Éducation qui se sont succédé ont tenté de rendre moins amère la pilule qu’est le Certificate of Primary Education (CPE). Mais, face aux pressions de ceux qui défendent ardemment un système élitiste, ils ne sont jamais arrivés à venir avec des changements. La réforme en vue de modifier les modalités des examens est ainsi restée laborieuse.
Vasant Bunwaree, l’actuel ministre de l’éducation, promet cette fois un forum pour très bientôt et, pas plus tard que jeudi, il finalisait son « concept paper » devant y être présenté. Jeudi sur Radio Plus, Vasant Bunwaree est venu avec une énième proposition, notamment d’inclure le contenu de l’Enhancement Programme pour les examens du CPE. Ou encore, il est question d’y proposer une évaluation orale. Il a, une fois de plus, réaffirmé son engagement d’apporter des changements aux examens de fin de cycle primaire. Une nouvelle promesse pour changer un système qui, chaque année, condamne quelque 4 000 écoliers de 10 ans à l’échec.
Kadress Pillay, ancien ministre de l’Éducation qui avait proposé l’introduction du Primary Achievement Certificate, étalant le cycle primaire sur neuf ans, et qui avait proposé un plan radical de changement pour le CPE, est aujourd’hui un homme amer. Surtout, quand il réalise que Maurice est un pays culturellement antiréforme : « Nous sommes bloqués dans le passé. Dans ce pays, il y a une mentalité de passéiste qui est à l’œuvre pour mettre les bâtons dans les roues. C’est inacceptable que l’on ne puisse pas accepter le changement ! »
Son projet de réforme avait suscité une vive polémique à l’époque. Le Conseil des ministres avait soumis son projet de réforme à un « Implementation Committee » qui devait, lui, remettre en cause ce projet et prôner une application partielle de sa réforme. Depuis, le projet est bel et bien mort !
Malgré son pessimisme sur un éventuel changement à cause des lobbies, Kadress Pillay veut croire dans la bonne volonté de l’actuel ministre Vasant Bunwaree : « Il a mis en avant de très bonnes idées, mais nous savons bien comment il lui faudra lutter pour les faire aboutir. Nous savons que Navin Ramgoolam, partisan des grandes réformes, peut donner les coudées franches afin d’améliorer notre secteur éducatif ».
Mais Steven Obeegadoo, ministre de l’Éducation du gouvernement MSM-MMM de 2000 à 2005, ne partage pas l’optimisme de Kadress Pillay : « Comment voulez-vous que l’on prête foi à un gouvernement qui, en 2005, rejette notre projet de démocratisation de l’éducation pour réintroduire un système élitiste ?
Au-delà des ministres qui défilent, nous savons que le Parti travailliste n’a ni la volonté politique ni la capacité pour mettre fin à la nature très sélective et super-compétitive du CPE. Ils ont eu une occasion unique pour continuer ce que nous avons démarré, mais ils ont choisi la voie rétrograde. Même si je veux bien croire que le ministre a de bonnes intentions, face à son manque de vision, je ne veux pas lui accorder le bénéfice du doute. » (voir ci-contre, ndlr).
Compétition renvoyée
Steven Obeegadoo avait proposé l’abolition du ranking et de la rat race en introduisant un système de grading, transformant les stars schools en Form VI Colleges. La compétition était renvoyée à la Form V. Son document Ending the rat race avait été plutôt bien accueilli par certains protagonistes du secteur.
Mais le gouvernement travailliste, qui en a fait un thème de campagne électorale en 2005, a favorisé le système actuel. Vasant Bunwaree milite pour le contrôle continu qui permettrait, selon lui, de déceler très tôt les faiblesses. Dharam Gokhool a été l’exception, s’attelant à réintroduire la compétition avec les Star Schools et son système de A+.
Fronts prioritaires
Le directeur de l’Applied Pedagogy de l’Institut Cardinal Margéot, Jimmy Harmon, veut, lui, croire aux réformes annoncées par le ministre Bunwaree : « Il y a eu des signes positifs et satisfaisants, ces temps derniers. Il nous a démontré sa volonté de vouloir changer les choses en accélérant les procédures pour le prévocationnel et la langue kreol. Je pense que la réforme est entre de bonnes mains ».
De quelle réforme parle-t-on ? À cela, Jimmy Harmon répond qu’il faut agir sur certains fronts prioritaires : « Il n’est pas question de baisser le niveau, comme certains veulent faire croire. Mais il y a la nécessité de réadapter le programme. Allez voir un manuel de science ! Le niveau est bien trop élevé. Sans compter que je ne vois pas la pertinence d’enseigner de tels concepts à cet âge ». D’autant, dit-il, que les examens de fin de cycle primaire doivent évaluer la capacité de l’enfant en écriture, en lecture, pour les mathématiques et qu’en durcissant le programme, l’objectif n’est pas atteint.
Système mixte
Le mode d’évaluation au CPE mérite également une attention particulière pour Jimmy Harmon : « La formule actuelle est trop stressante. À l’époque, quand le CPE a été introduit en remplacement de la petite bourse, ces examens étaient liés à l’admission dans les collèges. Aujourd’hui, avec le nombre de collèges et de places disponibles, l’admission au secondaire n’aurait pas dû générer un tel stress ».
Jimmy Harmon propose, ainsi, un système mixte d’évaluation continue et d’examens pour le CPE. Comme il souhaite que le primaire prône davantage l’intelligence multiple au détriment du bourrage de crâne. Pour lui, il faut que l’enfant puisse apprendre autre chose que les matières académiques.
Ces anomalies du système, selon lui, provoquent des dégâts poussant 30 % des candidats à l’échec.C’est pour cela qu’il est d’avis que le CPE est plus que dépassé. « Il faut mettre notre système éducatif à un niveau international, comme c’est exigé par l’Unesco, pour mieux relever les défis à venir », fait remarquer Jimmy Harmon qui, en sus de cela, note que les employés les plus performants, flexibles et qui s’adaptent le mieux au marché du travail, ne sont pas ceux qui sont académiquement les plus brillants.
Ashik Junglee, qui compte faire plusieurs propositions au forum sur le CPE, rejoint l’analyse de Jimmy Harmon. La connaissance ne doit plus être privilégiée, mais la compétence. L’apprenant doit pouvoir privilégier la proactivité et la créativité, une des faiblesses majeures du système éducatif actuel.
Leçons particulières : l’interdiction devient une réalité
Longtemps attendu, le projet de faire abolir les leçons particulières en Std IV devient une réalité. Les amendements à l’Education Act seront présentés et débattus à l’Assemblée nationale, ce mardi. Outre l’interdiction de ces leçons, il est prévu que les instituteurs doivent s’inscrire auprès des autorités compétentes avant de donner des leçons particulières.
De plus, l’Enhancement Programme est valorisé dans ce projet. Steven Obeegadoo trouve que ce projet apporte plus d’interrogations qu’il n’essaie d’en résoudre : « Comment peut-on garder le CPE, qui est trop compétitif, en éliminant les leçons particulières ? Cela ne fera qu’augmenter la tension des parents et des élèves. S’il a de bonnes intentions, elles ne sont pas claires. L’objectif poussant à l’enregistrement reste également flou. Est-ce pour la taxe ou comme chien de garde ? » s’interroge le député mauve.
Les couacs de 2011
Si, une année, c’était le questionnaire de langue marathi qui était source de polémique, cette fois, ce sont les erreurs dans l’épreuve d’ourdou qui ont provoqué des étincelles. Ce questionnaire comportait plusieurs erreurs prêtant à confusion. Autre déconvenue pour ces examens de 2011 : l’oubli des questionnaires au Mauritius Examinations Syndicate (MES), mercredi. Les fautifs ont été sanctionnés.
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