Ashik Junglee, président de l’Association of mentors, nous parle du concept des leçons particulières dans le cycle primaire à Maurice. Le sujet fait débat avec les amendements apportés à l’Education Act, afin d’interdire les leçons particulières jusqu’en Standard IV. Selon lui, les leçons particulières sont nécessaires à de nombreux enfants. Toutefois, le système a connu une déviance au fil des années. Et il y a plusieurs facteurs responsables à cela.
> Ashik Junglee, quel est votre sentiment général par rapport aux amendements à l’Education Act, présenté au Parlement la semaine dernière ?
Je trouve malheureux que l’on soit en arrivé là. Les enseignants ne méritentt certainement pas cela. Je ne pense pas qu’il faille un cadre légal pour réglementer une telle profession. C’est comme un ‘rotin bazar’ que l’on brandit pour corriger certains abus qui perdurent. Toutefois, je souligne que, personnellement, je suis favorable à une réglementation des leçons parti-culières. Il faut bien l’avouer : les enseignants sont à blâmer car il y a abus. Au fil du temps, il y a eu une déviance au niveau des leçons particulières qui sont devenues un commerce lucratif. Je suis donc d’accord pour réglementer afin d’éviter les abus.
> Pensez-vous que les leçons particulières constituent un stress additionnel pour les élèves, comme le soulignent des parents et des pédagogues ?
Il est clair que les leçons particulières constituent un travail supplémentaire pour les enfants. Nous avons un système éducatif entièrement focalisé sur la compétition au Certificate of Primary Education, pour l’obtention d’un meilleur collège. Cela impose un travail, un fardeau exagéré à l'élève. En fait, c’est le système éducatif tout entier qui est dépassé.
Il a fait son temps. Aujourd’hui, il existe un plus vaste choix de collèges, ce qui ne nécessite plus une si grande compétition qu’auparavant pour trouver un bon collège et la pression que doivent endurer les enfants n’est plus justifiée. Nous nous acheminons vers un tournant. Ce qui comptera de plus en plus, ce sera de développer le capital humain. Nous devons donc faire de sorte de privilégier le bien-être des enfants, tout en encourageant des aptitudes précises : le sens de la communication, le sens critique, etc.
> Que pensez-vous de l’Enhancement Programme qui fait débat et polémique ?
L’Enhancement Programme est venu corriger une anomalie du système. Il est aussi venu rétablir un équilibre entre l’académique et l’épanouissement des enfants. Ce programme aidera, selon moi, à développer la personnalité de l’enfant. Le rôle de l’Enhancement Programme est justement de détecter le potentiel des enfants, autres que les matières purement académiques et conventionnelles. Il aide à valoriser chez les enfants certaines aptitudes, qui ne le sont pas durant les heures de classe.
> Ne faudrait-il pas, selon-vous, revoir entièrement le système lié aux leçons particulières ?
Premièrement, il faut revoir le rôle de l’enseignant dans tout cela. Il doit aider les élèves à optimiser leurs capacités, car il faut bien être clair : tous les enfants ne sont pas égaux face à l'éducation. Chaque enfant à ses besoins et ses difficultés en classe. Lorsqu’il y a un enseignement de masse, il devient difficile de reconnaître ces problèmes spécifiques. C’est là que les leçons particulières entrent en jeu. Elles sont là pour identifier ces difficultés spécifiques qui peuvent se poser à un enfant. C’est cela que doit être la philosophie derrière les leçons particulières.
> Qui, selon-vous, encourage le développement effréné des leçons particulières ? Les enseignants, les parents ou est-ce simplement une conséquence du système ?
Il faut voir les choses selon plusieurs points de vue. Nous avons un système basé sur la compétition et qui engendre la pression. Nous avons aussi un problème au niveau des parents. Aujourd’hui, ils sont tellement pris qu’ils n’ont plus véritablement le temps de s’occuper de l’enfant, plus particulièrement de son éducation. Comme solution de facilité, ils vont donc voir un enseignant pour des leçons particulières. Le parent doit comprendre qu’il ne s’agit pas là d’un moyen de se décharger de ses responsabilités.
> Il y a aussi la responsabilité des enseignants…
L’enseignant est pris entre deux feux. Il y a, d’une part, la pression des parents qui veulent que leurs enfants prennent des leçons particulières. Et d’autre part, il perçoit un salaire très insuffisant par rapport à ses tâches. Il entend donc, à travers ces leçons, améliorer sensiblement son niveau de vie. Bien sûr, les enseignants doivent aussi faire preuve de responsabilités. Par exemple, lorsqu’il n’y a pas nécessité de donner des leçons, le prof doit pouvoir le dire aux parents.
> Pensez-vous qu’il soit possible, un jour, d’abolir les leçons particulières à Maurice ?
Il faut bien comprendre que les leçons particulières ne sont pas propres à Maurice. D’autres pays le pratiauent à travers le monde, sauf qu’à Maurice, le phénomène a pris une ampleur inquiétante. De nombreux enfants ont besoin de leçons particulières. Il faut tout simplement veiller que cette pratique ne soit pas un moyen pratique pour gonfler ses revenus; sans contrôle.
DéfiMédia
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