Tuesday, June 28, 2011

Dossier : l'indiscipline chez les élèves

Un sujet de brûlante actualité ! L’indiscipline chez les étudiants est un fléau qui ne cesse de s’étendre à tous les établissements d’enseignement. Tant au niveau primaire que secondaire, et même au niveau tertiaire. Les situations choquantes le sont à des degrés divers.

Les cas recensés, durant ces dernières années, font dresser les cheveux sur la tête. Insultes, menaces, sexe exhibé et… agressions… Au lieu de présenter une énième fois les cas répertoriés, le Défi Quotidien présente les remèdes à appliquer contre ce mal. Le ministère de l’Éducation, l’Ombudsperson et des spécialistes en pédagogie livrent leur point de vue.


La discipline ne se résume pas à être obéissant et servile, comme le décrit la philosophie kantienne ! La définition demande à être actualisée aux normes et valeurs de la société actuelle. L’indiscipline des étudiants à Maurice peut être classée en trois catégories. La première est caractérisée par la paresse et le refus de s’appliquer pour faire les devoirs imposés. La deuxième, c’est la mesquinerie et les piques lancées aux cadres enseignants, en troisième lieu, il y a la rébellion dont font montre certains contestataires à tous crins, face aux idéaux et exigences des professeurs, ce qui engendre souvent des propos vulgaires et de la violence.

Les approches et les réactions sont multiples dans les diverses situations, toutes se rejoignent sur une certaine pédagogie visant à encadrer et comprendre les élèves/étudiants. Pour ce qui est de la violence, certes, elle découle de l’indiscipline qui prévaut dans les établissements d’enseignement, mais elle est aussi due aux frustrations engendrées par certaines situations qui tournent au vinaigre.

La communication avant tout
Le sociologue Ibrahim Koodoruth, chargé de cours à l’Université de Maurice, tente une explication. « Il est vrai que les élèves sont à blâmer, c’est une (jeune) génération qui se découvre et qui a plutôt tendance à agir impulsivement.

Mais sont-ils les seuls à blâmer ? Généralement, c’est l’autre partie, leur interlocuteur exclusif qui a tendance à tout déclencher ! Cela, faute de communication et surtout de compréhension. L’enfant agit, ou plutôt réagi comme le dicte son instinct. Il faut déterminer si ces jeunes ont suffisamment de repères dans la vie. C’est une question qui relève tant de la responsabilité de leurs parents que du personnel d'encadrement. Ces derniers doivent jouer un rôle de modèle à suivre pour les plus jeunes…»

«Tant que cette jeune génération sera pointée du doigt, qu’elle sera constamment l’objet de critiques et de remarques désobligeantes, ses membres continueront à se défendre et à réagir négativement au lieu de faire preuve de plus de compréhension. Lorsqu’un cas se présente, il s’agit d’un cas singulier et non d’une généralité. Il faut donc le traiter comme tel… », insiste le sociologue. Pour trouver des solutions appropriées, il faudrait au préalable mener une étude, une enquête approfondie sur ce phénomène.

« Prenant le cas d’un élève qui arrive en retard à l’école. On le punit et on le traite d’irrespectueux, d’indiscipliné. Il est sanctionné injustement (c’est ce qu’il ressent) par l’encadrement scolaire, alors qu’il a tout simplement été victime d’embouteillage … Chaque cas qui se présente doit être traité individuellement. Il faut considérer tous les éléments du problème avant d’agir spontanément et engendrer un conflit… »

«Il faut organiser une table ronde. Chaque partie devrait se remettre en question et prendre conscience de ses agissements au quotidien. La société mauricienne fait abstraction de solutions à long terme et se concentre sur des solutions immédiates, parfois provisoires. Une telle mentalité jette l’opprobre sur les agissements des plus jeunes.

Ce qui est néfaste. Les parents en sont responsables, car ils sont censés assurer l’éducation et l’épanouissement de leurs enfants. Les établissements d’enseignement rappellent que de nombreux parents restent sur la défensive. Il faut les comprendre : tout dépend de la manière dont on leur présente la chose. Ils se sentent souvent dénigrés par certains propos. S’ils se sentent visés, ils réagiront, c’est logique et normal».

« Dans les écoles privées, de tels cas de violence sont rares. Pourquoi ? Dans ces établissements, la direction et le personnel d'encadrement se sentent plus concernés. Ils développent des relations privilégiées avec leurs élèves et veulent leur offrir le meilleur encadrement pédagogique possible. Des réunions sont fréquentes avec les parents et ce ne sont pas des rencontres stériles. L’école publique a grandement besoin de se réinventer! »

Campagnes de sensibilisation
Pour prendre ce problème d’indiscipline à bras-le-corps, Soondress Sawminaden, président de l’association des recteurs et assistants recteurs, propose ‘des campagnes de sensibilisation’. « Si toutes les parties sont sensibilisées, c’est sûr, il y aura plus d’amélioration. Il faudrait donc des campagnes pour les enseignants, les recteurs, les parents et les élèves.

De telles initiatives ont démarré au collège Marcel Gabon, où les élèves du Collège John Kennedy et de la Régis Chaperon SSS se sont penchés sur la violence dans les collèges. Avec la coopération de tous, la situation s’améliorera vite. Toutefois ne nous leurrons pas. À l’heure de l’internet et du cyberespace, on ne peut vouloir brider les étudiants avec des systèmes dépassés et archaïques…! » fait comprendre le recteur du JKC.

« Le développement des aptitudes (techniques, informatiques) des étudiants est considérable. Ceux qui les encadrent doivent s’adapter pour les comprendre. Nous proposerons un module pédagogique dans la formation des instituteurs et une formation aux plus anciens.»

Cocooning au lycée
Élève de Terminale au Lycée Labourdonnais, âgé de 19 ans, Florent dresse une comparaison entre les écoles du privé et du public. «Les bêtises restent des bêtises. Nul ne peut prétendre n’en avoir jamais fait. Tous les établissements sont touchés, mais à des degrés divers. L’indiscipline perdure chez les jeunes qui se sentent perdus… Ils ne savent pas quoi faire et comment réagir face à certaines situations. La compréhension n’est pas toujours au bout du tunnel.

Ce fut mon cas. Mais depuis, je me suis rattrapé. Je ne peux dire que c’est principalement dû au fait que je suis dans une école privée, mais parce que j’ai eu la chance d’avoir des personnes soucieuses de l’épanouissement des élèves qu’ils encadrent. Notre proviseur répétait souvent : « On ne fait pas de citoyen, on le devient. Pour le devenir, il faut être conscient de la moindre de nos actions et réactions. Au lycée, on n’est pas violenté ou humilié comme dans certaines écoles publiques.

C’est absolument proscrit. On privilégie beaucoup la communication. Au fil du temps, des affinités se créent entre élèves et personnel d’encadrement. C’est pourquoi, sans prétention aucune, je peux vous assurer qu’il y a beaucoup moins de problèmes d’indiscipline graves au lycée. Bannir l’indiscipline est quasi impossible, mais on peut la réduire au maximum. Sans nous vanter, le personnel d’encadrement de notre lycée doit être félicité. C’est un exemple à suivre pour les autres établissements de l’île.»

Rôle essentiel des parents
Des propos qui rejoignent la pensée de Yahya Paraouty, président de l’Union of Private Secondary Education Employees.

«Dans les écoles privées, l’indiscipline est effectivement un problème très minime.» Selon le syndicaliste et pédagogue, si l’indiscipline est inévitable dans les établissements, elle peut être mise sous contrôle. «Ce qui diffère dans les écoles d’État, c’est le nombre d’élèves à gérer. Le nombre de tuteurs, les punitions infligées ne sont pas humiliantes pour les élèves.

On y présente davantage l’autorité et le respect mutuel. Si un problème surgit, il est aussitôt rapporté et les solutions interviennent dans la minute qui suit. Dans les collèges d’État, les procédures longues et fastidieuses tuent toute tentative de solution immédiate.»
Yahya Paraouty préconise avant tout, davantage de communications et de transparence entre parents et enfants. «Je l’ai appris à partir d’une expérience vécue avec mon fils. J’ai tout de suite compris ce qu’il fallait faire pour résoudre le problème », nous confie-t-il.

Enseignant à la Port-Louis North SSS, il explique que ce métier n’est pas aisé. « Encadrer des enfants n’est pas une gageure, d’autant plus que leur nombre augmente et que le nombre d’encadrants diminue. Avec moins d’élèves dans les classes et un personnel mieux formé dans la gestion de ces situations de conflit, on assurerait plus de compréhension entre profs et élèves, et profs et parents. »

Changer radicalement la société
Le psychologue Vijay Ramanjooloo a une perception toute différente de ce problème d’indiscipline à l’école.

Le philosophe Hobbes l’affirmait déjà : « l’homme est un loup pour l’homme ». Il explique qu’il n’est pas étonnant que nous soyons face à une génération d’enfants, à l’esprit supposément plus moderne et la tête dans des réalités du troisième millénaire mais qui, paradoxalement, résolvent leurs conflits en utilisant des modèles de la préhistoire.

Normale, ils ne font que suivre les modèles qu’ils ont devant eux : ceux de leurs parents qui servent de modèles de Mathusalem pour vaincre les discordes. L’étymologie du terme est révélateur : Discipulus soit disciple, celui qui suit. Mais comment les jeunes pourraient-ils être les disciples de leurs aînés qui fonctionnent, dans leur immense majorité, selon le mode de pensée : « Fait ce que je te dis et non pas ce que je fais ? »

Il est normal que les jeunes se sentent perdus et n’en font plus qu’à leur tête en faisant tout ce qui leur est interdit. Contrer l’indiscipline, signifie donc vouloir un changement radical de toutes les parties constitutives de notre société. Une telle ambition réclame une grande introspection. C’est aussi mon cas, car je suis parent avant tout ! », indique notre psychologue.

Un kit contre la violence
Shirin Aumeerudy-Cziffra, Ombudsperson pour les enfants, ne passe pas par quatre chemins. « Nous avons rédigé un kit de prévention contre la violence en 200. Il indique tous les points et sujets à travailler. Ce kit est destiné au personnel enseignant : cadres, recteurs, assistants-recteurs, professeurs. Il donne des pistes à suivre sur la résolution des conflits entre élèves et entre élèves encadrants. Le kit indique les diverses punitions « bénéfiques » à l’élève et des points de réflexion pour éviter toute humiliation à l’élève en croyant le ramener à l’ordre».

« Il y a ce cas, absolument à proscrire, de ce garçon forcé par son instituteur à porter une jupe, en guise de punition. Cela rappelle des pratiques d’un autre temps, avec le bonnet d’âne. Humilier un enfant le poussera à réagir par impulsion. Il cherchera tous les moyens de sortir gagnant de ce conflit en nourrissant une haine envers celui qui l’a humilié en public. De telles punitions ne sont pas logiques et ne résolvent rien. Nous demandons donc de les proscrire dans nos écoles. C’est absolument nécessaire».

L’Ombudsperson pour les enfants et le ministère de l’Éducation œuvrent en partenariat sur un programme pédagogique contre l’indiscipline. Shirin Aumeerudy-Cziffra confirme qu’une première rencontre a eu lieu et que le programme est en cours d’examen.

Le ministre Vasant Bunwaree planche sur un plan d’action qui sera publié sous peu. Il rencontrera tous les acteurs du secteur qui luttent contre ce fléau : Ombudsperson, travailleurs sociaux, représentants des institutions scolaires, afin de définir les points forts et les lignes d’action du plan», confirme Jayen Teeroovengadum, attaché de presse du ministre. 


DéfiMédia

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